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La chouette vagabonde

Lire, manger, se promener, découvrir... des coups de gueule, voyages, passions, lectures... ou les derniers hôtels dans lesquels je me suis arrêtée; parfois, des recettes de plats régionaux, une fleur qui vient d'éclore ou le presque silence d'un matin qui se lève sur la ville...

28 décembre 2014 : deuxième opération en cours

Publié le 28 Décembre 2014 par Claudine Bel in Journal, Poésie, Littérature, Victor Hugo

28 décembre 2014 : deuxième opération en cours

Victor Hugo (1802-1885).

Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).

On dit que je suis fort malade,
Ami ; j'ai déjà l'oeil terni ;
Je sens la sinistre accolade
Du squelette de l'infini.

Sitôt levé, je me recouche ;
Et je suis comme si j'avais
De la terre au fond de la bouche ;
Je trouve le souffle mauvais.

Comme une voile entrant au havre,
Je frissonne ; mes pas sont lents,
J'ai froid ; la forme du cadavre,
Morne, apparaît sous mes draps blancs.

Mes mains sont en vain réchauffées ;
Ma chair comme la neige fond ;
Je sens sur mon front des bouffées
De quelque chose de profond.

Est-ce le vent de l'ombre obscure ?
Ce vent qui sur Jésus passa !
Est-ce le grand Rien d'Épicure,
Ou le grand Tout de Spinosa ?

Les médecins s'en vont moroses ;
On parle bas autour de moi,
Et tout penche, et même les choses
Ont l'attitude de l'effroi.

Perdu ! voilà ce qu'on murmure.
Tout mon corps vacille, et je sens
Se déclouer la sombre armure
De ma raison et de mes sens.

Je vois l'immense instant suprême
Dans les ténèbres arriver.
L'astre pâle au fond du ciel blême
Dessine son vague lever.

L'heure réelle, ou décevante,
Dresse son front mystérieux.
Ne crois pas que je m'épouvante ;
J'ai toujours été curieux.

Mon âme se change en prunelle ;
Ma raison sonde Dieu voilé ;
Je tâte la porte éternelle,
Et j'essaie à la nuit ma clé.

C'est Dieu que le fossoyeur creuse ;
Mourir, c'est l'heure de savoir ;
Je dis à la mort : Vieille ouvreuse,
Je viens voir le spectacle noir.



Victor Hugo.

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