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La chouette vagabonde

Lire, manger, se promener, découvrir... des coups de gueule, voyages, passions, lectures... ou les derniers hôtels dans lesquels je me suis arrêtée; parfois, des recettes de plats régionaux, une fleur qui vient d'éclore ou le presque silence d'un matin qui se lève sur la ville...

La poésie belge : Emile Verhaeren (1855 - 1916)

Publié le 17 Juillet 2008 par MicheleG in Poésie belge

Emile Verhaeren est né le 21 mai 1855 à Sint-Amands, petite commune belge en bord d'Escaut, non loin de la grande métropole Anversoise. Il fera ses études secondaires à Gand, chez les jésuites, au Collège Sainte-Barbe, en même temps que Georges Rodenbach et quelques années avant Maurice Maeterlinck, autres grands noms de la littérature flamande de langue française. Ensuite, ce seront des études de droit à l'Université Catholique de Louvain.

Sa carrière sera cependant bien plus littéraire que juridique. Il est actif dans "La Jeune Belgique" dès le début, en 1881, avec Max Waller, Iwan Gilkin, Albert Giraud et Emile Van Arenbergh. En 1883, il publie son premier recueil, encore empreint de naturalisme, "Les Flamandes". Après, ce sera "Les Moines" (1886), où transparait une certaine attirance pour le mystique.

Ensuite viendra la trilogie symboliste avec "Les Soirs" (1888), "Les Débâcles" (1888) et "Les Flambeaux noirs" (1891), oeuvre marquée par le pessimisme, la noirceur et la neurasthénie, oeuvre où abondent les images violentes et sanglantes. C'est l'oeuvre d'un auteur qui traverse une grave dépression. En 1891, année de son mariage, ces chimères noires s'effaceront dans "Les Apparus dans mes Chemins".

Plus tard, sous l'influence du socialisme d'Emile Vandervelde, sa poésie deviendra plus sociale avec cette autre trilogie: "Les Campagnes hallucinées" (1893), "Les Villages illusoires" (1895) et "Les Villes tentaculaires" (1895), portraits sombres d'une société en mutation, mais aussi profession de foi en le progrès. Ce sont sans doute les oeuvres auxquelles on pense en premier quand on parle de Verhaeren aujourd'hui.

Mais Verhaeren est aussi le poète du bonheur conjugal, comme dans "Les Heures claires" (1896), "Les Heures d'Après-midi" (1905) et "Les Heures du Soir" (1911), ou de son pays natal, comme dans le cycle "Toute ma Flandre", avec ses cinq recueils: "Les Tendresses premières" (1904), "La Guirlande des Dunes" (1907), "Les Héros"(1908), "Les Villes à Pignons" (1909) et "Les Plaines" (1911).

Il y a aussi ces recueils ou le poète chante les forces qui mènent l'humanité, des poèmes remplis de fougue et d'optimisme: "Les Visages de la Vie" (1899), "Les Forces tumultueuses" (1902), "La Mutltiple Splendeur" (1906), "Les Rythmes souverains" (1910). Peut-être est-ce la partie de son oeuvre qui a eu le plus de mal à vieillir. Serait-ce parce qu'il n'est aujourd'hui plus vraiment possible de croire en l'homme et en le progrès après deux guerres mondiales, après Hiroshima, après Auschwitz? Qui disait encore qu'aucune poésie n'était plus possible après Auschwitz? En tout cas, ce ne pourra plus être la même qu'avant...

La guerre bouleversera le poète, viendra fracasser son bel optimisme lyrique en une humanité meilleure. Elle inspirera à Verhaeren un dernier recueil de poèmes, tout empreint de patriotisme. Il est rare que le patriotisme ou le nationalisme inspire des chefs-d'oeuvre impérissables. "Les Ailes rouges de la Guerre", paru en 1916, ne déroge pas à cette règle. Verhaeren ne verra pas la fin de ce premier cauchemar mondial. Il décèdera le 27 novembre 1916 à Rouen, écrasé par un train.

 

Verhaeren, tout comme Maeterlinck, fut un des écrivains francophones les plus célébrés de son temps. Force est de constater que son étoile a bien pâli et qu'il ne reste pas grand-chose de cette gloire passée. Aujourd'hui, peu de gens le lisent encore et ses oeuvres, à quelques rares exceptions près, végètent trop souvent dans les réserves des bibliothèques, d'où plus personne ne semble les déranger. Peut-être ce site vous donnera-t-il l'envie d'aller les sortir du semi-oubli dans lequel elles sont un peu injustement tombées.


Chaque heure, où je songe à ta bonté


Chaque heure, où je songe à ta bonté
Si simplement profonde,
Je me confonds en prières vers toi.

Je suis venu si tard
Vers la douceur de ton regard,
Et de si loin vers tes deux mains tendues,
Tranquillement, par à travers les étendues!

J’avais en moi tant de rouille tenace
Qui me rongeait, à dents rapaces,
La confiance.

J’étais si lourd, j’étais si las,
J’étais si vieux de méfiance,
J’étais si lourd, j’étais si las
Du vain chemin de tous mes pas.

Je méritais si peu la merveilleuse joie
De voir tes pieds illuminer ma voie,
Que j’en reste tremblant encore et presque en pleurs
Et humble, à tout jamais, en face du bonheur.

Les heures claires (1896)


C'est la bonne heure


C'est la bonne heure où la lampe s'allume :
Tout est si calme et consolant, ce soir,
Et le silence est tel, que l'on entendrait choir
Des plumes.

C'est la bonne heure où, doucement,
S'en vient la bien-aimée,
Comme la brise ou la fumée,
Tout doucement, tout lentement.

Elle ne dit rien d'abord - et je l'écoute ;
Et son âme, que j'entends toute,
Je la surprends luire et jaillir
Et je la baise sur ses yeux.

C'est la bonne heure où la lampe s'allume,
Où les aveux
De s'être aimés le jour durant,
Du fond du coeur profond mais transparent,
S'exhument.

Et l'on se dit les simples choses :
Le fruit qu'on a cueilli dans le jardin ;
La fleur qui s'est ouverte,
D'entre les mousses vertes ;
Et la pensée éclose en des émois soudains,
Au souvenir d'un mot de tendresse fanée
Surpris au fond d'un vieux tiroir,
Sur un billet de l'autre année.

Les heures d'après-midi (1905)


Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte


Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte,
Si profonde qu'elle en est sainte
Et qu'à travers le corps même, l'amour soit clair ;
Nous descendons ensemble au jardin de la chair.

Tes seins sont là ainsi que des offrandes,
Et tes deux mains me sont tendues ;
Et rien ne vaut la naïve provende
Des paroles dites et entendues.

L'ombre des rameaux blancs voyage
Parmi ta gorge et ton visage
Et tes cheveux dénouent leur floraison,
En guirlandes, sur les gazons.

La nuit est toute d'argent bleu,
La nuit est un beau lit silencieux,
La nuit douce, dont les brises vont, une à une,
Effeuiller les grands lys dardés au clair de lune.
Les heures claires (1896)
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V
J'aime infiniment la musicalité de ce poète<br /> mais tu as raison, il est trop peu lu et tu lui rends vraiment un bel hommage mérité.<br /> Je n'imaginais pas qu'il avait tant écrit. Alors, merci des liens vers de nouveaux voyages en mots<br /> et bravo pour le titre de ton blog qui résonne en moi<br /> si souvent mélancolique;
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M
<br /> Merci pour ton commentaire. Je compte bien sûr étoffer le sujet, ajouter plein de textes qui me tiennent à coeur. Mais il me faut du temps, un peu de temps, beaucoup plus de temps...<br /> Mais n'hésite pas à revenir, et à nourrir toi-même, si tu le désires.<br /> <br /> <br />