2 mars 2016 : Premier voyage à Alger (9)

Notre soirée d'hier à Alger...

Alger, ce sont des policiers un peu partout. Leur uniforme est bleu et leur képi très large, un peu du même acabit que les képis russes. Mais bleu, bleu outre-mer, ce bleu du ciel à la côte, un bleu soutenu, profond, avec une touche de clarté dedans.

Parfois, quand il pleut, les policiers se couvrent de plastique blanc, de la tête aux pieds, comme les festivaliers. Sauf que leurs plastiques ne sont pas des sacs poubelles, mais des couvre-uniformes et képis étudiés pour. Il n'en reste pas moins qu'à ce moment-là, les plastiques blancs qui s'agitent au milieu des carrefours, soufflant éperdument dans leurs sifflets, ont un petit air de festival musical, la scène en moins...

Mais pourquoi donc tant de policiers à Alger ? Pour rassurer. La population, les touristes, les travailleurs, les chrétiens, les non-musulmans, les musulmans non-extrémistes... La situation actuelle semble devoir justifier leur présence partout, ainsi que celles des portiques de contrôle aux entrées des grands hôtels, des gares, des aéroports etc. Bref ! Il y a des consignes de sécurité associées à une situation décrétée d'insécurité. Et dans cette situation, il nous est théoriquement impossible de nous déplacer sans en informer préalablement les gens qui nous accueillent, les pays qui nous envoient, voire la police pour qu'elle nous accompagne. Mais moi, franchement, je ne me sens nullement en insécurité : je suis avec des gens charmants, musulmans pratiquants et croyants, souriants et accueillants, des gens heureux que nous soyons là et qui ont très vite compris que leur pays, nous avons envie de le connaître autrement que par les vidéos que nous en avons vues, que par les taxis qui nous véhiculent, que par les images que nous pouvons en voir à la télé qui trône dans notre chambre d'hôtel.

Alors quand la journée de boulot se termine, on se met à chuchoter et à organiser "notre évasion" : ce soir, on va faire un tour en ville, on va faire les vrais touristes, avec de vrais Algériens comme guides.

Nous voilà donc partis à quatre. Direction : le mémorial de l'indépendance et son musée. Impressionnant, grandiose. Construit par les Canadiens, il a la gueule des victoires durement gagnées et domine la ville. Nous avons un guide passionné qui nous explique l'histoire, les trahisons, les intérêts, les courages, les horreurs... Nous avons un guide qui est heureux de nous faire partager sa passion et nous photographie là où les autres n'ont pas droit aux photos. Parce que nous l'écoutons avec attention, parce que nous ne sommes pas de vrais touristes, il nous ouvre non seulement son musée mais son coeur, son Coran, ses fresques, il nous livre ses relations, nous traduit des textes, nous dit ceux qu'il a connus, ceux qui sont morts récemment, ceux qui se sont battus pour la liberté et non pour la gloire...

Alger, c'est aussi de la mégalomanie, parfois : 1,2 milliards de dollars pour ce qui sera la troisième plus grande Mosquée au monde...

Nous verrons aussi de nombreux bâtiments récents et beaux, mariant modernité et tradition arabe, des routes larges et rapides, des galeries commerçantes aux loyers trop chers pour que les boutiques y soient toutes occupées.

Puis du haut du téléphérique ouvert rien que pour nous, nous pourrons une fois encore dominer la baie d'Alger avec ses grands paquebots à l'ancre dont l'image vibre à travers les fumées de cheminées à gaz au point de nous faire penser que le feu a pris dans le bateau.

Hier soir, nous avons vu le décor naturel d'un des films de Tarzan, une vieille voiture dont le propriétaire remplaçait les bougies par de véritables bougies italiennes made in China, des gardiens de parking qui font des heures supplémentaires comme gardien attitré de votre véhicule contre quelques pièces...

Hier soir, après une longue journée ensoleillée, nous avons aimé Alger.

Alger - Photos Marc Broeckaert et Claudine Bel