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La chouette vagabonde

Lire, manger, se promener, découvrir... des coups de gueule, voyages, passions, lectures... ou les derniers hôtels dans lesquels je me suis arrêtée; parfois, des recettes de plats régionaux, une fleur qui vient d'éclore ou le presque silence d'un matin qui se lève sur la ville...

Plongée dans une approche néolibérale

Publié le 20 Mars 2016 par Claudine Bel in Politique, Néolibéralisme, Jean Gol, Martens, Belgique

Photo : journal La Libre

Photo : journal La Libre

Je viens de me plonger un peu dans le passé, trente ans en arrière. Et c'est à pleurer, quand on voit que la politique actuelle ne fait qu'amplifier ce qui, déjà il y a trente ans, visait à soi-disant redresser l'économie mais n'a mené qu'à l'augmentation du chômage, au muselage des syndicats et à creuser l'écart entre les riches et les pauvres. Visiblement, il doit y avoir dans ce pays plus de riches qu'on ne pense, ou alors des imbéciles qui rêvent de devenir riches, ou des masochistes qui aiment quand on les entube, pour continuer à mettre ce genre de partis au pouvoir...

04 avril 2014

Les Gouvernements Martens-Gol, ou la mise en pratique des théories néo-libérales (1981 -1987)

En cette période pré-électorale, la droite répète à qui veut l’entendre que la crise économique et les problèmes de société sont liés à la politique menée par les socialistes depuis de « trop longues années ». La droite estime qu’un programme économique néo-libéral constitue LA solution aux problèmes de demain. Mais qu’ont-ils prouvé jusqu’ici ? Il est vrai que les socialistes ne se sont que très rarement trouvés dans l’opposition depuis la fin de guerre. L’article ci-dessous entend donc présenter le bref bilan d’un des seuls gouvernements de droite de ces 50 dernières années: le gouvernement Martens-Gol entre 1981 et 1987[1].

Les différents gouvernements entre 1978 et 1981 sont caractérisés par une coalition ininterrompue des « familles » socialistes et socio-chrétiennes. Les élections du 8 novembre 1981 constituent un tournant et l’alliance sociaux-chrétiens/libéraux qui se forme alors (appelé Martens V ou Martens-Gol) perdure jusqu’en décembre 1987. A son arrivée au pouvoir, le gouvernement Martens-Gol impose une politique néo-libérale pour lutter contre la crise, faisant passer l’économie belge d’une politique « interventionniste » à une politique de « privatisation », propre aux idées « thatchéristes » de l’époque…

L’obtention des « pouvoirs spéciaux » entre 1982 et 1987 permet tout d’abord au gouvernement Martens-Gol de limiter les compétences législatives du parlement et de mettre en œuvre des décisions impopulaires : sauts d’index (2% à chaque fois, soit une mesure d’austérité particulièrement lourde), limitation des dépenses publiques, contraintes budgétaires à l’encontre de la sécurité sociale, diminution de 3 % de la masse salariale…

Le gouvernement exige des interlocuteurs sociaux de ne négocier que dans les limites strictes des orientations et des « enveloppes » fixées par le gouvernement. Ce dernier se rangeant souvent du côté du patronat, les marges de négociations sont trop étroites pour les syndicats, et il s’ensuit un enrayement des organismes de concertation. Il n’y a finalement aucun accord interprofessionnel jusqu’en novembre 1986. Le gouvernement entend d’autre part réduire au strict minimum la concertation avec les syndicats. Le PRL prévoit même dans son programme de 1981 d’interdire les piquets de grève et d’octroyer la personnalité civile aux syndicats, de manière à les forcer à payer des indemnités suite aux dommages subis par des grèves.

Le gouvernement propose encore des réductions d’impôts profitant aux classes aisées et aux entreprises : avantages fiscaux offerts aux personnes plaçant leur argent dans des fonds d’investissements, les revenus des actions et des obligations (profitant rarement aux « petites gens ») ne doivent plus être déclarés au fisc à concurrence d’un montant déterminé, avantages fiscaux en cas d’augmentation du capital d’une entreprise…. Si la capitalisation boursière est multipliée par 4 entre 1981 et 1987, il est également à noter que la fraude fiscale devient très importante. La politique fiscale du gouvernement Martens-Gol se fait surtout au détriment des revenus du travail en général, et des revenus les plus modestes en particulier.

L’impôt sur les personnes physiques ne progresse par contre plus entre 1982 et 1986, provoque une pression fiscale accrue sur les bas revenus par rapport à celle des hauts revenus. Si les entreprises retrouvent bien en 1988 un taux de profit comparable au niveau d’avant-crise, cet enrichissement ne débouche pas sur des créations d’emplois. Le chômage complet augmente entre 1981 et 1987 en passant de 415.556 à 495.600 personnes. Les embauches se font principalement au bénéfice des emplois à temps partiel (125.000 personnes entre 1982 et 1986), soit des travailleurs moins bien protégés par les lois du travail. Les salariés perdent 8,7% du pouvoir d’achat entre 1981 et 1985 en raison de la « désindexation » mais également de la hausse des coûts des transports publics, des frais liés à la sécurité sociale… Le nombre de gens bénéficiant du minimex double entre 1981 et 1987.
De manière assez ironique, malgré les « cadeaux fiscaux » accordés aux riches et aux entreprises, le gouvernement Martens-Gol augmente finalement le prélèvement fiscal (impôts directs et indirects) et parafiscal (cotisations de sécurité sociale) de 3 % entre 1981-1987 (passant de 41,7 % du PNB en 1981 à 44,7 % en 1987) ! La dette publique double malgré tout entre 1980 et 1988, passant de 76 % à 128 % du PIB.

Les dépenses publiques de l’Etat diminuent de 8,7 % entre 1981 et 1988, suite à diverses lois « de redressement », au détriment de la sécurité sociale et de l’enseignement: rabotage des allocations de base en matière de chômage et d’invalidité, abaissement du plafond en invalidité (exclusion du statut VIPO de 140.000 personnes), instauration d’une franchise en assurance-maladie-invalidité, augmentation des tickets modérateurs, doublement du droit d’inscription dans les universités, disparitions de nombreuses options dans l’enseignement, disparitions d’hôpitaux et diminution des lits disponibles,...

Dans l’espoir de diminuer la « bureaucratie », inciter la liberté (de marché) et faire des économies « utiles » aux diminutions d’impôts en faveur des entreprises, le gouvernement prend des mesures pour restreindre les monopoles publics ou permettre à des entreprises publiques de privatiser des services réalisant des profits. De nombreux « plans d’assainissement » sont encore mis en œuvre, causant la perte de 18.000 emplois, une diminution des salaires, la hausse des tarifs publics et la disparition de certains services publics. Il faut encore souligner que la reconstitution d’un tissu industriel n’est pas aidée par la politique fiscale du gouvernement en faveur des entreprises…

La politique néo-libérale menée par les gouvernements Martens-Gol est un échec évident. La situation économique et sociale de la Belgique en 1988 est encore pire qu’elle ne l’était à l’arrivée de la droite au pouvoir. La grande réforme fiscale annoncée n’a profité qu’aux riches, la pression fiscale s’est accrue, le chômage a augmenté, le secteur public est laminé, la sécurité sociale et l’enseignement sont fortement atteints, enfin l’appauvrissement général a augmenté… Les économies envisagées touchent principalement la sécurité sociale, et ce en période de crise, c'est-à-dire au moment où les gens en détresse ont le plus besoin d’un soutien de l’Etat. Sans évoquer ses mesures ou positions rétrogrades (l’assimilation des étrangers à un « problème » ou le blocage de la loi pour l’avortement), il faut encore souligner que le Gouvernement Martens-Gol a recours à des moyens peu démocratiques pour arriver à ses fins (usage des pouvoirs spéciaux, mise à l’écart des syndicats, blocage des organismes de concertation). En 1984, Jean Gol et Louis Michel mettent pourtant la mauvaise conjoncture sur le dos de « l’héritage pourri des socialistes ».

Les élections du 13 décembre 1987 permettent aux socialistes de revenir au pouvoir en devenant la première force politique du pays (pour la première fois depuis 1936). Un gouvernement de coalition « rouge-romain » CVP-PS-SP-PSC-VU se forme alors en mai 1988, tandis que le PRL se retrouve dans l’opposition. Le journal Le Peuple, quant à lui, n’hésite pas à écrire « Bon débarras » en première page le jour de la défaite du gouvernement Martens-Gol en 1987 !

[1] Ce texte se base sur ces ouvrages : QUADEN G. L’économie belge dans la crise, Bruxelles, Labor, 1987, 358 p. ; MABILLE X., Nouvelle histoire politique de la Belgique, CRISP, 2011, 323 p. ; Projet pour le changement, PRL, 1981, 12 p. ; Fer de lance, histoire de la centrale des métallurgistes (1887-1987), CMB, 1987, 193 p. ; DAMAR M., La fonction publique, quatre années d’évolution, CRISP, CH n°1067-1068, 1985, p.60 ; VERMAC, L’économie belge dans les années 1980-1990, in : Politique, CEPESS, n°5-6, 1990, p.19 ; CRAEYBECKX J., WITTE E., La Belgique politique de 1830 à nos jours, 1987, 469 p. ; Conférences de presse de SPITAELS G (dossiers biographiques de la bibliothèque de l’IEV) ; En direct, PS, 12/11/1987 ; SAVAGE R., Recettes publiques courantes 1970-1991 : historique, effets de structures et impulsions discrétionnaires, Bulletin de documentation Ministère des finances, n°5, 1992 ; VALENDUC C. Distribution et redistribution des revenus dans les années 80, CRISP, CH n°1320, 1991 ; MARTENS W., Mémoires pour mon pays, 2006, p. 148 ; BLAISE P., Le chômage en Belgique, CRISP, CH n°1182, 1987, p. 26 ; Bulletin d’information de la Mutualité socialiste, n°41, avril-mai 1986 ; FURNEMONT J-F,Jean Gol, Luc Pire, 1997, p. 117 ; La privatisation des services publics, CGSP, 1986, p. 5-6 ; ARCQ E.,Enjeux et compromis de la législature 1988-1991, CRISP, CH n°1332-1333, 1991, p.44 ; M. DAMAR, La fonction publique –quatre années d’évolution, CRISP, CH n°1067-1068, 1985, p. 19 ; DRUMAUX A., La privatisation dans le secteur des équipements collectifs, CRISP, CH n°1136, 1986 ; J-Y. CARLIER, A. REA, Les étrangers en Belgique, Dossier du CRISP n°54, 2001, p.10 ; BLAISE P., Le chômage en Belgique, CRISP, CH n°1182, 1987, p. 26.

Source : http://www.ps.be/Pagetype1/Actus/News/Les-Gouvernements-Martens-Gol,-ou-la-mise-en-prati.aspx

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